Les Arumbayas sont une tribu amérindienne fictive créée par Hergé dans Les Aventures de Tintin et apparaissant dans les albums L'Oreille cassée et Tintin et les Picaros. Ils habitent la jungle de l'État, fictif lui aussi, du San Theodoros.
La tribu des Arumbayas est connue dans L'Oreille cassée. Un fétiche arumbaya exposé au musée ethnographique de Bruxelles disparaît, remplacé par une copie, et Tintin mène son enquête. Les péripéties l'amènent au San Theodoros et l'agitation politique du pays le contraint de se réfugier dans la jungle, où il rencontre la tribu. Avec les autochtones vit Ridgewell, un explorateur anglais que tout le monde croit mort et qui ne veut plus retrouver la civilisation. Après que Ridgewell lui a appris que le fétiche contient diamant dérobé aux Arumbayas, Tintin retourne en Europe pour poursuivre son enquête.
Dans Tintin et les Picaros, les évènements amènent Tintin à revenir dans la jungle san-théodorienne, cette fois-ci avec le capitaine Haddock, le professeur Tournesol et le général Alcazar à la rencontre de son armée révolutionnaire, les Picaros. Avant d'atteindre le camp des Picaros, le groupe doit traverser le territoire des Arumbayas. Tintin retrouve Ridgewell et la tribu. Au grand dam de Ridgewell, les Arumbayas sont alors les victimes collatérales des largages de cargaisons de whisky opérés par le général Tapioca pour nourrir l'alcoolisme des Picaros et les rendre inoffensifs. Le groupe s'arrête un temps dans le village arumbaya, notamment pour le dîner avec la tribu. À cette occasion, le professeur Tournesol essaie en secret le médicament de son invention rendant intolérant à l'alcool, avec succès.
Dans sa conception du San Theodoros, Hergé mêle différentes inspirations parfois contradictoires provenant de toute l'Amérique du Sud. Le fétiche arumbaya reprend en grande partie la forme d'une statuette chimú (civilisation précolombienne, installée sur la côté nord du Pérou) exposée au musée du Cinquantenaire de Bruxelles[1],[2],[3]. Frédéric Soumois, spécialiste de l'univers de Tintin, indique que le dessinateur s'est inspiré d'un ouvrage paru en 1938 de Matthew Stirling, Historical and Ethnographical Material on the Jivaro Indians, traitant du peuple des « Jivaros », vivant dans les forêts de la haute Amazonie, pour dessiner ses Arumbayas et leurs sarbacanes[4].
Pour Tintin et les Picaros, Hergé s'appuie notamment sur des photographies publiées par National Geographic de huttes indiennes au Venezuela afin de dessiner l'habitat des Arumbayas, et d'autres de femmes indiennes préparant le repas dans un grand chaudron[5]. Dans cet album, les Arumbayas sont devenus ivrognes à cause des largages aériens de Loch Lomond par le régime tapioquiste[5],[6]. La volonté d'Hergé de dénoncer l'alcoolisme ravageant certains peuples autochtones vient de son séjour décevant en 1971 au sein d'une tribu d'Oglalas dans la réserve indienne de Pine Ridge, un peuple qu'il imaginait libre et fier et qu'il avait découvert misérable, déshonoré et décimé par l'alcool[5].
Hergé crée la langue arumbaya à partir du marollien, un dialecte bruxellois qu'il connaît bien[7],[8],[5],[9]. Bien que francophone, il a grandi dans un milieu linguistique non homogène et ce dialecte parlé par sa grand-mère l'a durablement marqué[10],[11]. Hergé s'est ensuite aussi amusé à fonder la langue syldave sur ce dialecte pour Le Sceptre d'Ottokar[9],[6]. Dans L'Oreille cassée, les Arumbayas parlent leur langue lorsqu'ils dialoguent avec Tintin mais les discussions entre membres de la tribu sont écrites en français[12].
Le dessinateur offre ainsi quelques jeux de mots aux locuteurs ou connaisseurs de ce dialecte. La formule de politesse « Karah bistoup » cache à peine le terme « carabistouille »[9],[note 1]. L'expression « stoum érikos » dissimule le mot « sto(e)mmerik » qui signifie « imbécile »[9]. Dans Tintin et les Picaros, Hergé continue d'élaborer la langue arumbaya sur ce modèle. Par exemple, le stoumpô cuisiné par les Arumbayas tire son nom du stoemp, un plat de Bruxelles[13]. Frédéric Soumois remarque que, dans cette seconde apparition, l'arumbaya « s'est simplifié légèrement, « déparasité » des lettres fantaisistes d'autrefois, pour devenir une transcription à peine déformée du bruxellois »[6].